Le cancer broncho-pulmonaire : faut-il dépister ?

L’intergroupe francophone de cancérologie thoracique (IFCT), groupe multidisciplinaire d’experts médicaux francophones, et différentes sociétés savantes, dont la Société Française de Radiologie (SFR) et la Société d’Imagerie Thoracique (SIT), ont sollicité la Haute Autorité de Santé (HAS) pour une inscription à son programme de travail 2014 d’une « Evaluation du dépistage du cancer broncho-pulmonaire par scanner thoracique non injecté faiblement dosé ».

En effet, le cancer pulmonaire est au 4ème rang des localisations de cancer en France, avec environ 40 000 nouveaux cas en 2012.  C’est un cancer de mauvais pronostic avec des taux de survie parmi les plus faibles pour les tumeurs solides, le plaçant ainsi au premier rang des causes de décès par cancer en France et dans le monde.

Suite au rapport d’Orientation publié et adopté par la HAS dans sa décision signée du 20 janvier 2016,  la HAS estime qu’aux regard des données disponibles, le dépistage du cancer du poumon en France n’est pas pertinent aujourd’hui.

Intérêt d’un dépistage, six conditions préalables :

Avant de décider d’instaurer un dépistage pour une maladie donnée, plusieurs conditions doivent être réunies :

  • la maladie doit être détectable précocement
  • un examen de dépistage adapté doit être disponible
  • des traitements efficaces doivent pouvoir être rapidement proposés et mis en oeuvre
  • les personnes les plus à risque de la maladie doivent être facilement identifiables
  • le dépistage doit diminuer la mortalité
  • le dépistage doit présenter plus d’avantages que d’inconvénients.

Faut-il dépister les cancers broncho-pulmonaires ?

Le rapport de la HAS présente les conclusions d’une analyse des études randomisées disponibles au niveau international sur le sujet. Une dizaine d’essais randomisés ont été menés sur des personnes fortement tabagiques ou l’ayant été, comparant des groupes dépistés par scanner thoracique non injecté faiblement dosé, des groupes dépistés par radiographie thoracique et des groupes témoins composés de fumeurs non dépistés.
La littérature fait état d’études assez mal documentées, notant des difficultés dans l’inclusion des patients et des données manquantes ne permettant pas de conclure de façon évidente. De plus, les conclusions sont souvent divergentes.

A la lecture des différentes études et des connaissances ; le groupe d’experts émet les conclusions suivantes :

  • la maladie est difficilement détectable à un stade précoce car, le cancer du poumon a une évolution qui peut être rapide
  • les possibilités de traitements sont restreintes, même à un stade précoce de la maladie. Ils sont essentiellement chirurgicaux, lourds et réalisables dans certains cas uniquement (selon l’état général de la personne et les caractéristiques de la tumeur)
  • l’efficacité du dépistage du cancer du poumon par scanner thoracique à “faible dose” pour réduire la mortalité dans le contexte français n’est pas établie
  • la population cible est difficilement repérable car, il n’est pas facile d’identifier parmi les fumeurs, ceux à risque élevé de développer un cancer du poumon
  • l’analyse bénéfices/risques est ainsi en défaveur du dépistage car :
    • le scanner thoracique envisagé dans le cadre du dépistage reste un examen irradiant, même à faible dose
    • beaucoup d’anomalies non cancéreuses sont détectées, donnant lieu à des examens répétés ou à des complications parfois graves, voire mortelles suite à l’exploration de ces anomalies identifiées au scanner.

“C’est pourquoi la HAS conclut que les conditions ne sont pas réunies pour qu’un dépistage soit possible et utile.”

Quelle est la position des autres pays sur le sujet ?

A part les États-Unis où les recommandations émises sont en faveur d’un dépistage du cancer du poumon par tomodensitométrie “à faible dose” chez les individus fortement tabagiques, âgés de 55 à 74 ans ; les autres pays dont le Royaume Uni, le Canada et l’Australie ont la même position que celle de la France.

Face à la non pertinence du dépistage du cancer du poumon à ce jour, le plan cancer 2014-2019 met l’accent sur la lutte contre le tabagisme et la poursuite des recherches.

Des enquêtes menées en France métropolitaine en 2014 révèlent que près de 30% des adultes déclarent fumer au quotidien.  Le plan cancer 2014-2019 se fixe comme objectif de réduire de 10% le nombre de fumeurs d’ici 2019 pour lutter contre le cancer du poumon qui est lié dans 90% des cas au tabagisme. Pour ce faire, un Programme National de Réduction du Tabagisme 2014-1019 a été élaboré pour atteindre cet objectif du plan cancer.  Ce programme prévoit d’intensifier la sensibilisation auprès de jeunes afin qu’ils ne commencent pas à fumer (environ 80% des fumeurs ont commencé à fumer quand ils étaient mineurs) et met en place des mesures incitatives pour aider les fumeurs à arrêter la consommation de tabac.

Par ailleurs, l’aide à l’arrêt du tabac doit être accentuée pour les patients atteints d’un cancer. Si l’arrêt du tabac améliore le pronostic des patients et réduit les risques de second cancer primitif, il permet également de réduire les risques opératoires et les toxicités liées aux traitements contre le cancer.

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